segunda-feira, 21 de março de 2022

[L’édito de Valérie Toranian] De gauche Mélenchon ? Vraiment ?

Valérie Toranian

Jean-Luc Mélenchon veut persuader la gauche qu’il est « le vote utile » qui permettra à son camp d’accéder au second tour de l’élection présidentielle. Grisé par les sondages qui le portent à la troisième place (13 % d’intentions de vote) derrière le président sortant Emmanuel Macron (29,5 %) et Marine le Pen (18,5 %), le candidat de la France insoumise appelle les électeurs à prendre leurs responsabilités et à « ne pas se dérober ». À l’entendre, la gauche, explosée, morcelée, divisée comme jamais, peut transformer ce scrutin perdu d’avance en divine surprise, et pourquoi pas en victoire miraculeuse si elle se rallie à son panache. Il est vrai qu’il n’en manque pas. À ses dizaines de milliers de sympathisants venus l’applaudir place de la République, Jean-Luc Mélenchon a promis, au choix, la retraite à 60 ans, la fin du racisme, la mort du capitalisme, le grand soir, une aube nouvelle. Bref, la lumière après les ténèbres.

Photo: Christophe Archambault/AFP

Extrait édifiant : « À 16h33 l’équinoxe de printemps a eu lieu, la durée du jour a fini par rattraper celle de la nuit, le soleil a vaincu et surpassera demain l’obscurité. Le 10 avril, à vous de faire avec votre bulletin de vote, le printemps du peuple ». Jean-Luc Mélenchon voudrait que son élection déclenche la même mystique que celle de François Mitterrand en mai 1981, du genre : « La France passe de l’ombre à la lumière ». Le candidat de la France insoumise pense peut-être que, s’il gagne l’élection, le bonheur sera une idée neuve en Europe, comme l’écrivait Saint-Just en mars 1793, quelques mois avant le déclenchement de la Terreur. La Révolution française est toujours la matrice historique de Jean-Luc Mélenchon qui ne fait pas mystère de son admiration pour Robespierre. Faut-il y chercher la source idéologique de sa grande indulgence pour Vladimir Poutine, Hugo Chávez ou Nicolás Maduro qui ont ruiné et pillé leurs pays ?

Jean-Luc Mélenchon a du talent mais, contrairement à ce qu’il dit, il n’est pas de gauche. Il est d’extrême gauche comme son projet qui enterre la gauche, ses valeurs universalistes, républicaines, antiracistes et laïques. Pour récupérer des voix dans les quartiers populaires, il n’hésite pas à se soumettre au discours identitaire ou communautariste, et ne recule devant aucune compromission avec l’islam politique.

« Le racisme est de retour et il est porté par l’extrême gauche qui prétend désormais être le vote utile de la gauche. »

Jean-Luc Mélenchon se flatte d’être la tortue lente et sagace, celle qui coiffera au poteau, à la surprise générale, Éric ZemmourValérie Pécresse et même Marine Le Pen. Mais, avec ses virevoltes ou ses soubresauts, sa colonne vertébrale idéologique ressemble à celle d’un lièvre. En 2015, Jean-Luc Mélenchon refusait de signer un appel pour un meeting contre l’islamophobie. Arguant, à juste titre, que le terme islamophobie posait problème, car il ne faisait pas la différence entre la libre critique de la religion (légitime) et le racisme (illégitime). Par ailleurs, son Parti de gauche répugnait alors à signer avec des associations ayant une vision politique de l’islam. Quatre ans plus tard, revirement à 180°. La France insoumise, fortement implantée en Seine-Saint-Denis, croit au fantasme du « vote musulman ». Elle s’imagine séduire de nouveaux électeurs en faisant allégeance au discours communautariste. En novembre 2019, elle signe un appel pour une marche « contre l’islamophobie » avec des associations proches des mouvances islamistes. Le Parti des indigènes de la République se félicitera de cette évolution de la gauche blanche [sic]. Depuis, Jean-Luc Mélenchon parle d’une France rongée par le racisme et l’islamophobie d’État. Son organisation se noie dans le discours décolonial néo-raciste qui classe les gens en fonction de leur couleur, leurs origines, leur sexe, leur religion… et qui dénigre l’universalisme, « concept de blanc néo-colonialiste ». Le racisme est de retour et il est porté par l’extrême gauche qui prétend désormais être le vote utile de la gauche.

« Le vote Mélenchon n’est pas le vote utile de la gauche. Il est son tombeau, son renoncement à la gauche de gouvernement, sa fuite en avant dans un nihilisme politique suicidaire. »

Est-ce bien derrière cet étendard que la gauche imagine retrouver sa dynamique unitaire ? Et parler aux classes populaires ?

Sagace comme la tortue de la fable, Mélenchon ? Il a beau avoir dédié son rassemblement, place de la République, à la résistance ukrainienne, difficile de ne pas souligner les incohérences, tout sauf sagaces, de son discours sur Poutine. Comment peut-on applaudir la résistance héroïque des Ukrainiens et en même temps expliquer que ce sont les États-Unis qui sont dans une position « agressive », pas la Russie, et que l’OTAN doit « arrêter de vouloir annexer l’Ukraine » ? Ainsi donc, les Ukrainiens seraient des marionnettes instrumentalisées par l’OTAN ? Ils n’auraient, en fait, selon Mélenchon, aucune envie de se rapprocher de l’Europe et de se détacher de Moscou ? L’Ukraine serait une sous-nation priée de n’avoir aucune aspiration à la démocratie et à la souveraineté ? Comme cet éloge de la soumission au voisin le plus fort est étrange dans la bouche d’un souverainiste patenté comme Jean-Luc Mélenchon.

Le vote Mélenchon n’est pas le vote utile de la gauche. Il est son tombeau, son renoncement à la gauche de gouvernement, sa fuite en avant dans un nihilisme politique suicidaire. Exactement l’inverse du chemin suivi par la social-démocratie allemande qui a gagné les dernières élections et éloigné le spectre de l’extrême droite, tout en écrasant l’extrême gauche. La gauche française n’a que trop tardé à faire son autocritique, à s’engager dans un changement de stratégie, de vision, de leadership qui pourrait la faire renouer avec le succès. Cette restructuration en profondeur aura lieu après la présidentielle, espérons-le. Mais ce n’est pas en se compromettant dans un vote d’extrême gauche qu’elle fera œuvre utile. En plus de la défaite, elle capitulerait dans le déshonneur.

Titre et Texte: Valérie Toranian, Directrice de la Revue des Deux Mondes, lundi, 21-3-2022 

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